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Edito du bulletin de novembre 2011

Faut-il sauver… qui ou quoi ?

 

Depuis deux décennies, les écologistes de tous poils, par médias interposées, nous assènent d’un slogan alarmiste : « Il faut sauver la planète ! ». Le cri d’alarme qu’ils lancent est justifié mais ils se trompent de cible. La planète en elle-même n’a rien à craindre. Tout au long de son histoire, elle a montré qu’elle est capable de supporter des cataclysmes majeurs et de s’en remettre. Elle a connu au moins cinq grandes extinctions d’espèces dont la plus importante au Permien qui a anéanti près de 90% de la vie sur Terre. Malgré cela, nous sommes parvenu par un heureux (ou malheureux) hasard à percer le bout de notre nez dans le buissonnement de la Vie. Seul l’évolution irréversible de notre étoile, le Soleil, mettra un terme à l’existence de notre planète et de ses consoeurs proches : Mercure, Mars, Vénus.

 

Les écologistes et toutes les personnes sensées devraient plutôt crier : « Sauvons l’Humanité ! Sauvons l’Homme ! ». Je viens de terminer la lecture d’un ouvrage en marge de l’analyse habituelle que les sociologistes et autres spécialistes font de l’avenir de notre société. Il s’agit de « L’enfermement planétaire[1] » d’André Lebeau, géophysicien de formation et qui a présidé le Centre national d’études spatiales de 1995 à 1996.

 

« Le téléspectateur est abreuvé d’invitation à modifier ses gestes quotidiens pour « sauver la planète », comme si c’était la planète et non l’homme qu’il s’agissait de « sauver ». La planète en a vu d’autres et sera là bien longtemps après que l’homme en aura disparu, bien au-delà de la pérennité limitée que nous avons envisagée dans ce qui précède et qui n’a pas les attributs de l’éternité. La planète est indifférente à la survie de l’homme. » (pp. 265-266).

 

La thèse qu’il développe est d'une brutalité inouïe : trop nombreuse, gaspillant les ressources terrestres et polluant tous azimuts, l'humanité fonce irrémédiablement vers la catastrophe finale. Quand ? Dans un siècle ou deux, c'est-à-dire demain ! André Lebeau n'espère rien de la technologie, il fustige le néolibéralisme fondé sur la croissance, il dénonce la mondialisation. Il accuse le développement durable d'hypocrisie, car il ne sert qu'à amplifier les inégalités planétaires. Décidément, l’homme tape fort et souvent juste.

Est-il encore temps d'enrayer le mécanisme fatal ? Notre auteur en doute : l'évolution a génétiquement programmé l'homme pour conquérir des territoires et dominer son prochain, absolument pas pour affronter une Terre peau de chagrin. Si des solutions existent - enrayer la démographie galopante, consommer moins et mieux partager -, comment en convaincre l'humanité ? Sur quels leviers culturels agir pour qu'elle se mobilise enfin ? Lebeau n'a pas de réponse, mais au moins a-t-il le mérite de poser la question.

De plus, comme le suggère le titre de son livre, André Lebeau constate que l’humanité n’a aucun moyen de s’échapper massivement de sa planète, quoiqu’en pense les scientifiques utopiques plus proches de la science-fiction que de la réalité. L’évolution nous a amené à nous développer sur cette Terre et nous n’avons nulle part où aller ailleurs. Les ressources en énergie, en matières premières, en production alimentaire, en eau potable et en espace vital sont soumises à des tensions qui ne peuvent s'accroître indéfiniment sans que se produisent soit des ruptures, soit de profondes transformations des comportements collectifs.

« Ramené à son expression la plus simple, le conflit entre l’homme et la planète se réduit ainsi à un conflit entre les déterminations génétiques de l’espèce et les limites de l’environnement global. La seule issue réside dans une inflexion des comportements génétiquement déterminés qui sont à l’origine de ce conflit.

Un caractère unique de l’espèce, l’énorme outil culturel qu’elle a amassé, apparaît ainsi tout à la fois comme la source du problème qu’elle rencontre et comme la seule ressource dont elle dispose pour le résoudre. C’est, exprimée sous une forme plus générale, l’idée qui sous-tend communément une vision optimiste du futur : la technique, puissante excroissance du patrimoine culturel, résoudra tous les problèmes qu’elle a créés. » (p. 271).

 

La Rédaction



[1] Lebeau A (2008) – L’enfermement planétaire, Gallimard, « Le Débat »



26/10/2011
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