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Le Sauvage et le Préhistorique

Marylène Patou-Mathis (2011) – Le Sauvage et le Préhistorique, miroir de l’Homme occidental, Odile Jacob (lecture, novembre 2011).

 

Marylène Patou-Mathis , géologue de formation et directrice de recherche au CNRS, est une spécialiste de l’homme de Neandertal. Elle est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages sur la question, dans lesquels elle réhabilite cet Homo si injustement traité.

Son dernier livre, qui porte en sous-titre « De la malédiction de Cham à l’identité nationale », est une belle démonstration et également une dénonciation, du fait que de prétendues constructions scientifiques ont amené à confondre l’homme ancien, lointain dans le temps, « le Préhistorique », et l’homme lointain géographiquement, « l’Autre, le Sauvage ». En 4ème de couverture elle explique la raison de cet ouvrage : « Pourquoi l’altérité et l’existence d’une humanité plurielle, qu’elle soit passée ou présente, sont-elles toujours si difficiles à accepter ? C’est à cette question que nous avons tenté de répondre dans cet ouvrage ».

Elle y met en opposition la vision que l’homme occidental a du sauvage et de l’homme préhistorique, par la mise en lumière d’arguments qui ont pu justifier des discours sur l’indigence intellectuelle et morale des ces deux Autres. « Avec toujours en contrepoint l’Homme occidental, à la fois fasciné et rempli de préjugés », elle y retrace l’évolution des idées que se faisaient, aussi bien, les scientifiques que le commun des mortels sur ces deux aspects de l’humanité. Tous les arguments étaient valables pour douter de l’humanité de Neandertal et le rabaisser au rang de brute, ou pour légitimer les mouvements de colonisation. Durant le XIXe siècle et le début du XXe, le grand public ne se sentait pas intéressé par la préhistoire. Les fossiles trouvés étaient considérés comme appartenant à des singes, des sauvages, des non-civilisés. Pour l’auteur, l’engouement pour cette discipline se situe après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’on découvrit les massacres perpétrés au nom de la race pure. A partir de ce moment, les questions des origines et d’identité ont suscité un intérêt qui ne cesse de croître.

Lors d’une interview Marylène Patou-Mathis explique cet intérêt par une quête de sens, du moins en Occident, car la vision des Orientaux est différente. Nous ne savons plus très bien qui nous sommes, où l’on va, ce que l’on va faire. Elle cite un vieux proverbe africain qui correspond parfaitement à cette approche : « Quand tu ne sais plus où tu vas. Tu t’arrêtes. Tu te retournes et regardes d’où tu viens. »

L’avenir fait peur, nous interpelle, l’économie et l’environnement, phénomènes que nous ne pouvons maîtriser individuellement et même collectivement, sont incertains. Nous éprouvons le besoin de retrouver un modèle, un idéal. Après avoir rejeter le Préhistorique en en faisant une brute épaisse, et le Sauvage, race inférieure qu’il fallait à tout prix coloniser, c’est peut-être de ce côté que l’on trouvera un début de réponse. Le mythe du paradis perdu revient, celui du chasseur-cueilleur nomade.

De plus en plus de gens ne veulent plus être ce qu’ils sont dans ce monde urbanisé à l’extrême et où l’argent et le « toujours plus » dominent. Ils veulent retourner aux sources de l’humain, de l’être et non plus du paraître.

Cela se traduit notamment par un engouement pour l’ethnotourisme et l’intérêt pour le mode de vie de nos ancêtres et tout particulièrement de celui de Neandertal. Ce dernier, d’être frustre, brutal, devient le « bon sauvage ».

 En épilogue, Marylène Patou-Mathis reprend les grandes étapes qui ont marqué » les changements de l’image de l’Autre, du Sauvage et du Préhistorique. « On constate, dit-elle, que les contextes politiques, sociaux et culturels ont fortement influé sur les paradigmes scientifiques et idéologiques. Alors que l’on admet aujourd’hui que la notion de race n’a aucun fondement scientifique, pourquoi la discrimination raciale perdure-t-elle ? »

Et de poser la question : « En Occident, en ce début de XXIe siècle, est-ce toujours la peur de l’Autre qui empêche l’acceptation de l’altérité ou la croyance, enfouie au fond de notre inconscient, en la supériorité de l’Homme blanc ? »

 

 

« La notion de ‘‘races'', héritée du XIXe siècle, n'a donc aucun fondement biologique » (Patou-Mathis 2011, p. 302).



23/11/2011
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