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Collections et ... succession

Collections et… succession

 

Comme nous nous en étions fait le triste écho ces derniers mois, plusieurs de nos importants et plus anciens membres actifs sont récemment décédés. Ce genre de très mauvaises nouvelles ne manque pas de nous interpeller à plus d’un titre.

 

D’une part, il subsiste bien entendu cette problématique récurrente du nombre en déclin, lent mais constant de nos membres, une telle attrition - quoique inéluctable car « naturelle » - n’ayant jusqu’à présent malheureusement pas pu être compensée par des adhésions nouvelles - de (plus) « jeunes » - qui eussent restauré quelque peu les effectifs et assuré d’autant l’avenir.

 

D’autre part, ces soudaines disparitions ont aussi pour effet de susciter quelques inquiétudes d’un tout autre ordre. Car, parmi nos membres qui s’attachent à essayer de comprendre la Vie telle qu'elle existe et a existé depuis des millions voire des centaines de millions d'années, nombreux sont ceux qui ont l’habitude d’accumuler dans cette noble quête des échantillons, des curiosités, des raretés, des bizarreries, des souvenirs, d’engranger des écrits spécialisés, des notes de terrain et des livres scientifiques, des cartes annotées ou de la documentation rarissime, bref… un petit bout de Savoir.

 

Seulement voilà, les circonstances nous ont amenés à constater que nos défunts amis semblent être restés totalement en défaut d’avoir prévu les conséquences de leur éventuelle fin prématurée, soit d’avoir organisé de leur vivant des règles, ou énoncé clairement leurs souhaits en matière de dévolution.

 

Certains souvenirs sont éloquents : combien de fois notre regretté ami spéléologue ne s’était-il pas plaint de ne pouvoir transférer la collection de roches et de minéraux amassées lors de nombreux voyages par son épouse et par lui-même, faute pour lui de pouvoir identifier toutes ces pièces après le décès de celle-ci ? 

 

Comment réagir à cet autre ami, grand amateur de minéraux devant l’Eternité (ou l’Eternel, selon affinités !), dont une proche parente avait lancé un avis sur Internet pour trouver un acquéreur à sa collection, ignorant en cela d'une manière étonnante - volontairement ou non, nul ne le sait - le simple fait que l'intéressé était un membre plus qu’actif de notre association, de sorte que ces échantillons auraient pu - tout naturellement serais-je tenté de dire - être dévolus aux représentants de cette même association ?

 

Quant à notre ami plus récemment décédé, contrairement à l’appel lancé dans le précédent éditorial, aucune information ne transparaît à propos au destin subi par ses échantillons, à défaut également pour lui d'avoir organisé quoi que ce soit à ce sujet. 

 

Ces expériences mettraient même étonnamment en exergue l’existence de sérieuses lacunes dans notre petit monde d’amateurs, puisque d’une manière plus générale, rien ne semble avoir été officiellement prévu dans cette optique précise.

 

Pourtant, notre association fait partie du sérieux Conseil des Sciences de la Terre et a ratifié le « Code de déontologie pour géologues amateurs et collectionneurs de minéraux, roches et fossiles » (annexe du Moniteur Belge du 29 Juillet 1993 n° 13410).

 

Pour autant que de besoin, rappelons que le « Conseil des Sciences de la Terre » fut fondé en 1990, portant depuis 1996 le statut d'association sans but lucratif. C’est un organisme de concertation, dans lequel un grand nombre d'associations Belges de géologues amateurs siègent. Néerlandophones autant que Francophones, est-il utile de le souligner… Le Conseil des Sciences de la Terre a pour objet de « favoriser et de développer les contacts, les échanges et les partenariats entre ses membres, et tout autre organisme belge ou étranger groupant des amateurs des sciences de la Terre », mais aussi de « favoriser les bonnes relations entre les associations d'amateurs et les instances scientifiques, professionnelles, officielles et autres ».

 

Les obligations liées à cette « charte de bonne conduite » des amateurs qu’est le Code de Déontologie visent à garantir le maintien d’un certain « sérieux » dans la pratique de la paléontologie et de la minéralogie.

Ainsi est-il stipulé que le géologue amateur et le collectionneur d’objets géologiques respecteront les prescriptions légales en vigueur au lieu et au moment de leurs activités, de même que les règles de sécurité élémentaires, mais aussi le milieu naturel, les sites géologiques et des lieux de récolte.

D’autres obligations sont applicables, telles que la limitation au strict minimum des prélèvements et celle du commerce d’objets géologiques, ou la réduction de l’outillage à l’équipement manuel « traditionnel » du géologue, sans négliger d’autres exigences telles que les connaissances de base, outre le devoir d’information des institutions scientifiques en cas de découverte importante, sans négliger - last but not least -  l’interdiction de toute fraude ou tromperie.

Au-delà de ces principes de comportements sur le terrain, d’autres règles visent à garantir une certaine crédibilité, notamment lorsque les géologies amateurs et les collectionneurs d’objets géologiques « s’engagent à gérer leurs collections d’une manière correcte, chaque échantillon sera répertorié d’une façon suffisamment explicite ». De même une autre obligation est-elle de mise, d’assurer l’accessibilité des collections, tant aux géologues professionnels qu’aux autres chercheurs pourvu qu’il y ait « demande courtoise ».

Si une garantie de sérieux de nos membres peut résider dans le simple fait que notre association soit une de celles qui sont signataires de la charte, encore pourrait-on considérer que cette approche reste par trop limitée.

 

Quoique cette adhésion puisse permettre d'argumenter sur le terrain en présentant, à l’éventuel propriétaire ou l’exploitant d’un site, la garantie que le prospecteur observera le comportement du « bon père de famille », elle reste concentrée sur cette option, soit l'exercice du hobby ou de la passion raisonnée sur les lieux de fouilles, n’étant destinée qu’à faciliter celles-ci.

 

C’est presque pourtant une question de principe. 

 

Indépendamment du toute superstition et quelle que soit la raison de cette carence,  on ne peut que regretter que des amateurs aussi passionnés et attentifs que nos défunts amis n'aient apparemment pas pris les devants, à savoir donné verbalement ou - mieux - exprimé par écrit des instructions claires et précises, non équivoques, quant à leur souhait du devenir ultime de leur collection.

 

En effet, quelle peut être la garantie que représente le fait de voir chaque pièce soigneusement numérotée, savamment répertoriée et classée, dans l'hypothèse où l'on s’aperçoit que le principal n'a pas été fait, à savoir qu'aucune indication n'a été donnée du vivant d’un collectionneur sur le destin ultime souhaité par lui pour ses précieuses reliques. 

 

Loin de moi l'idée de suggérer des règles en la matière, si ce n'est d'exprimer ici le souhait de tout un chacun d'entre nous, quels que soient son âge et son état de santé, veille à assurer sa propre succession, de manière à faire en sorte que le pire ne soit évité dans l'hypothèse d'une disparition prématurée ou non, soudaine ou non. 

 

C’est valable pour tout le monde qui rassemble un tant soit peu des objets dont la valeur ne sera jamais dérisoire aux yeux d'autres passionnés éventuels ; 

 

Prendre les devants permettrait à tout le moins d’éviter le risque que tout un pan de recherche d'une valeur (comprendre « qualité ») souvent considérable ne soit purement et simplement balancé dans un quelconque container, ou dispersé aux quatre vents de brocantes locales sans la moindre cohésion quelconque ! 

 

Par ailleurs, quelle que soit la bonne volonté d'éventuels nouveaux possesseurs accidentels ou chanceux des échantillons, rien ne remplacera jamais une succession sérieusement planifiée et assurée. 

 

En espérant que chacun d'entre nous qui réfléchira un tant soit peu à cette question prendra la peine de faire le point à son propre sujet et mettra en œuvre les dispositions qui s'imposent, voici quelques pistes pour la préservation d’une collection après la disparition de son propriétaire.

 

Je cite en cela un célèbre collectionneur dont il me fut récemment reproché d’avoir trop parlé dans les derniers éditoriaux :

 

« Il est nécessaire que chaque collectionneur prenne ses dispositions afin de garantir la pérennité de sa collection après son décès, et de préférence en la gardant en un tout indissociable.

Quelques solutions possibles sont :

- Legs à un Musée local ou même national, une école, une université, un club d’amateurs, un syndicat d’initiative local, un autre amateur plus jeune…

- Création d’une Association (Loi 1901 en France, ASBL en Belgique…) qui aura pour but de continuer à gérer le patrimoine accumulé

- Mise en vente en dernier recours, et en un « tout » dans l’idéal »

 

Quelle que soit la formule choisie, avec ses avantages et ses inconvénients, elle aura au moins le mérite d’exister !  

 

Matière à sérieuse réflexion, donc…

 

             Dominique VANESPEN

 

 

 

 

Décidément…

 

Cet éditorial s’inscrit dans la droite ligne des précédents, ceux qui furent rédigés ces derniers  mois concernant les décès successifs de deux de nos estimés membres.

 

A cette pénible occasion, nous nous étions longuement interrogés sur le devenir du patrimoine que peuvent représenter des collections minéralogiques et paléontologiques, sans compter la documentation scientifique, que peuvent accumuler des passionnés et dont la valeur est souvent moins pécuniaire qu’intellectuelle.

Les dernières nouvelles sur ces deux questions sont loin d‘être rassurantes.

Notre président nous apprend que l’ensemble de la collection de minéraux de Ronald aura été dispersé, acquise en partie par divers amateurs, le reste acheté en bloc par une inconnue.

Quant aux échantillons de trilobites du Midi accumulés par Jean-Jacques, lui aussi récemment décédé, la famille de celui-ci n’aura pas tenu sa promesse, à défaut de l’avoir transmis « à qui de droit », le paléontologue Jean Loup Welcomme, qui était pourtant son ami et compagnon de fouilles dans la région depuis deux décennies. En outre, l’intéressé réside dans cette même région, de sorte que les fossiles n’eussent été finalement que « rapatriés », à juste titre et d‘une manière que l’on pourrait presque qualifier de « naturelle ».

Mais il m’est également apparu un autre problème.

Le paléontologue précité, qui possède de nombreuses affinités avec notre pays pour y avoir passé de longues années, bien au-delà de sa jeunesse, me contactait avant les grandes vacances pour me demander de lui rendre un service. Un de ses autres amis et compagnon de fouilles venait également de disparaître, en laissant derrière lui sa propre collection de vestiges paléontologiques. Pour cette fois, les nouvelles semblaient à ce propos plutôt rassurantes, puisque la famille, sœur et ex-épouse, étaient grandement désireuses de lui transmettre l’intégralité de la collection accumulée. L’ami Jean-Loup, du fin fond de sa France, me demandait de prendre contact avec les héritiers, histoire de récupérer ce patrimoine de l’intéressé, en vue de l’entreposer à mon domicile, le temps qu’il puisse lui-même trouver une opportunité pour remonter vers le Nord et en prendre possession.

C’est donc à l’occasion d’un visite au domicile du défunt que je me chargeai (dans tous les sens du terme) de récupérer ce qui m’était présenté comme l’essentiel de la collection accumulée par lui lors de ses anciennes prospections.

Habitué des fouilles, autant que des originaux qui y sacrifient, je ne fus donc guère surpris de découvrir dans le recoin d’un garage un amoncellement de caisses et de conteneurs divers, qui allaient des grands cartons, visiblement remplis à ras bord de boites métalliques ou plastiques, aux cagots de légumes non moins alourdis et « à ciel ouvert », sans négliger les plus anachroniques tas de bocaux de conserve, de boîtes de cigares, de boîtiers de films et autres accumulations totalement hétéroclites, souvent dans un état qui semblait témoigner du fait qu’il avaient été déposés « en vrac », et en tout cas sans le minimum de connaissances indispensable pour ce genre de reliques. 

C’est à mon retour au domicile et à l’occasion d’un examen plus minutieux - histoire de procéder à une première estimation de l’ensemble - que ma déception fut grande : toutes les boites semblaient comporter des échantillons de qualité, mais dont la majorité n’était absolument pas identifiée. Non seulement ne semblait-il y avoir aucune étiquette spécifique à chaque relique, ou mode de détermination quelconque, mais les boites ne comportaient en réalité généralement pas la moindre indication de provenance. Certains cagots se révélaient  n’être qu’un capharnaüm de fossiles de toutes provenances, natures, tailles, couleurs ou étage géologique.

Et c’était là que résidait l’origine de mon étonnement, mêlé d’une grande déception, voire d’une certaine tristesse. Ne parlons pas de réprobation.

Nul doute que les recherches pour certaines de ces pièces furent laborieuses et harassantes, de même que certaines d’entre elles étaient exceptionnelles. Mais elles souffraient dans leur majorité d’un défaut de taille : l’absence d’indication d’origine. Pourtant, on n’insistera jamais assez sur le fait que tout échantillon non identifié avec précision n’a aucune valeur scientifique, et à peine plus d’intérêt esthétique que le cadeau banal que l’on pourrait faire à un enfant, surpris qu’on montre à ses yeux émerveillés et teintés de convoitise ce que l’on présente comme un authentique dent de requin ou un oursin. 

Certes, l’ami paléontologue m’assurait par la suite qu’il pourrait procéder à un travail d’identification. Jean Loup Welcomme alla même jusqu’à affirmer qu’il connaissant « chaque pièce » de la collection de son ami défunt, sans que je ne puisse vraiment faire la part des choses entre une certaine prétention inhérente au personnage et la réalité …. scientifique. Sachant que c’était un ami de longue date et que les prospections avaient souvent été réalisées en commun, je pouvais certes imaginer qu’il devait bien y avoir une grande part de réalité dans cette affirmation.

Mais cela ne pouvait en tout état de cause guère que relativiser la gravité du problème constaté car, à supposer que ladite collection eût été dévolue à une toute autre personne,  paléontologue confirmé ou amateur même hautement averti, cette même « garantie » n’eût certainement pas existé.

Ce qui m’amène à émettre les plus grands doutes quant aux collections constituées par tout un chacun, dans quelque domaine que ce soit. Tant il est vrai que si un passionné consacre (sacrifie !) une partie plus ou moins conséquente de son temps, de son énergie, de ses forces physiques - voire de ses deniers - à l’accumulation d’une grande quantité de reliques, quel dommage de ne pas le voir consacrer autant de rigueur à la préservation de cet ensemble qu’il vient lui-même de tenter de sauver d’un oubli souvent inéluctable.

Nous ne pouvons dès lors qu’inviter tous nos membres ou lecteurs attentifs à faire le même travail de réflexion que celui que nous leur suggérions lors d’un précédent éditorial, à savoir examiner leurs « trésors » dans la perceptive d’une succession, de quelque nature que ce soit.  Sachant que le futur possesseur de cette même collection, nonobstant toute la bonne volonté et la compétence dont il serait capable, risque de ne pas être en mesure de poursuivre le travail de préservation, si la base de travail « administratif » n’a été réalisée, à savoir le minimum minimorum que constituerait par exemple l’indication de l’origine de chaque pièce, fût-ce au moins - à défaut d’une détermination avancée - sa provenance géographique précise. 

Et comme charité bien ordonnée commence par soi-même, votre serviteur se trouve pour l’heure dans l’obligation morale d’effectuer un sérieux travail en la matière, non seulement en finalisant cette pièce dont la création avait été tant rêvée - constamment remise sine die - ce « cabinet de curiosités » qui fait la fierté des vrais passionnés, mais également dans l’urgence de réaliser un catalogue complet en bonne et due forme, soit un répertoire qui serait composé de photos de chaque pièce. A l’heure du numérique, ne pas y procéder deviendrait presque impardonnable…  

Bref, il convient de réaliser une nomenclature détaillée, qui serait digne de ce nom et attesterait d’un certain « sérieux » dans la collection paléontologique et minéralogique, sans exclure en outre que la possession de certains articles ou livres scientifiques relève dans certains cas du miracle, face à cette expérience qui démontre que la réalisation d’un travail correct passe par l’accumulation d’un maximum d’études, lesquelles sont souvent hors de portée du commun des amateurs, ou de leur bourse…

 

Vous savez ce qu’il vous reste à faire…

 

Dominique VANESPEN

 

 



25/10/2008
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